La solitude du gardien de but face au tireur de pénalty !

Plonger à gauche, à droite ou bien choisir de rester au milieu ?
03 octobre 2023

D’après Joe Wiggins – behaviouralinvestment.com

Vous êtes un gardien de but sur le point de faire face à un penalty. Vous avez deux options pour effectuer la parade magique. Vous pouvez plonger à gauche ou à droite ou bien choisir de rester au milieu.

Après avoir examiné les statistiques, vous savez que les probabilités sont les plus en votre faveur si vous restez immobile*. Alors, que faites vous ? Vous plongez à gauche ou à droite !

Pourquoi ? Parce que si vous ne le faites pas, et que le tireur marque, il semblera à tous que vous n’avez même pas essayé. Non seulement vous vous sentirez véreux, mais vos co-équipiers et les supporters vont vous conspuer – le moins que vous auriez dû faire est de tenter quelque chose…

Ce parti pris pour l’action n’est pas seulement un problème pour les gardiens de but, c’est un problème majeur pour la plupart des investisseurs… qui ne peuvent s’empêcher de bouger sans arrêt.

Ce biais d’action / inaction, c’est notre tendance à considérer que faire quelque chose est plus efficace que de ne rien faire. Quand il y a une forte attente d’action dans une situation donnée (justifiée ou non), alors ne rien faire sera probablement perçu négativement.  Pour les investisseurs, il est indéniable qu’il existe une croyance puissante selon laquelle nous devrions être constamment actifs.

Pourquoi l’idée de devoir être un investisseur actif est-elle si répandue ?

Les marchés changent, nos portefeuilles doivent aussi changer : La volatilité et le marketing incessants des marchés financiers signifient qu’il y a toujours un nouveau thème, une nouvelle histoire, un nouveau paradigme, auquel nous devons réagir. Nous ne pouvons pas rester immobiles alors que tout semble bouger autour de nous.

Nos biais comportementaux nous conduisent à l’action : Nous changeons parce que nous nous sommes émotifs (peur ou cupidité), ou parce que nous surpondérons l’importance de ce qui se passe en ce moment. Nous changeons parce que quelqu’un est plus performant que nous…. Nous adorons changer.

La sous-performance est inévitable : Tous les investisseurs, aussi aguerris ou intelligents soient-ils, connaissent des périodes de sous-performance quelle que soit leur approche. Même si nous adoptons la bonne stratégie, pour des périodes prolongées, elle est susceptible d’être perçue comme naïve, anachronique ou tout simplement stupide. Notre tolérance pour de telles périodes est beaucoup plus courte que nous le pensons.

Justifier nos frais et nos carrières :  Il est vraiment difficile de construire une carrière en faisant moins que les autres. Comment pouvons-nous garder nos clients si nous ne faisons rien lorsque le rendement est médiocre et que les rendements des confrères qui font beaucoup sont meilleurs que les nôtres ? Pour le collaborateur dans la salle de réunion qui suggère de ne rien faire, les perspectives de promotion ne sont probablement pas très bonnes. L’action est un choix de carrière rationnel et un impératif institutionnel, qui n’est pas toujours dans le meilleur intérêt des clients.

Nous devons raconter des histoires : Tout le monde veut entendre des histoires. Qu’avez-vous fait au premier semestre ? Comment réagissez-vous à l’émergence de l’IA ? Comment jouer la transition énergétique ? Si nous ne faisons rien, il est difficile d’écrire un récit convaincant. Nous apportons des changements pour pouvoir raconter une histoire… pour que les passeurs d’histoires aient eux-mêmes une matière première et contribuent à l’entretien de notre réputation et de notre visibilité.

Tous ces facteurs nous poussent à agir, il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous devrions les éviter :

Les prédictions sont difficiles : Plus nous apportons de changements à nos portefeuilles, plus nous nous engageons dans des prévisions de marché à court terme. Il est raisonnable de supposer que l’individu moyen (et même au-dessus…) n’est pas forcément doué pour prévoir systématiquement les événements politiques ou économiques ni la réaction du marché à ceux-ci…Sinon, c’est Madoff.

Il y a une raison à la diversification : la principale raison de la diversification est que nous ne connaissons pas l’avenir (si nous le faisions, nous ne posséderions qu’un seul titre). Un niveau raisonnable de diversification crée un portefeuille qui doit survivre à différents environnements et où il y a toujours quelque chose qui fonctionne et quelque chose qui traîne dans les sous-jacents.

Recomposition des portefeuilles : le surplus d’activité d’arbitrage entraîne des conséquences sur les coûts de nos transactions (une combinaison de frais et d’erreurs) et agissent donc comme un frein important à long terme sur les rendements. Il apparaît comme ridicule dans notre éco-système de suggérer que penser à des moyens de réduire notre activité pourrait être un moyen d’obtenir de meilleurs résultats d’investissement. Pourtant, comme toujours, les choses qui semblent incroyablement simples en matière d’investissement s’accompagnent de défis comportementaux importants. Ceux-ci ne sont pas impossibles à surmonter, nous devons simplement trouver un moyen de faire moins dans un système qui nous incite et nous encourage à en faire plus… et à le faire comprendre.

* Bar-Eli, M., Azar, O. H., Ritov, I., Keidar-Levin, Y., & Schein, G. (2007). Biais d’action chez les gardiens de but de football d’élite : le cas des tirs au but. Journal of economic psychology, 28(5), 606-621.  
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